Lettre adressée à Dr Garry Conille, ancien Premier Ministre, de la part de son père, Serge Conille, ancien ministre des Sports et de la Jeunesse sous le régime du président François Duvalier.
« Mon cher fils,
Plus je réfléchis à ta situation, plus je me sens obligé de t’écrire. Non pas pour te blâmer, encore moins pour te donner des leçons, car je n’aurais pas cette prétention. En dépit de ma longue expérience des hommes et des choses, à aucun moment de ma vie publique ni dans l’exercice de mes fonctions professionnelles, je ne suis parvenu à une position aussi élevée que la tienne dans la hiérarchie de la fonction publique. C’est donc avec beaucoup de modestie et de respect que je me permets de t’adresser ces quelques conseils en cette période si particulière.
Je sais que tu traverses une phase de réflexion intense, marquée par une évaluation de tes réalisations, de tes omissions, et peut-être même des erreurs de perception causées par ton désir sincère de bien faire. Tu as voulu tout mettre en œuvre pour sortir ton peuple des affres de la misère et de l’insécurité, malgré les manœuvres déloyales de certains politiciens avides de pouvoir.
Au milieu de ces réflexions profondes, rappelle-toi que la plus belle femme du monde ne peut offrir que ce qu’elle a. Compte tenu des circonstances, tu as fait tout ce qui est humainement possible pour combattre l’insécurité ambiante, la misère généralisée et les ambitions déchaînées de certains politiciens sans scrupules. Nul ne saurait te reprocher de ne pas avoir mis dans la balance tout le poids de tes convictions patriotiques, ton amour du peuple et les sacrifices personnels que tu as consentis pour apporter une solution juste et durable à la misère et à la désolation du peuple haïtien.
Tu as accepté les plus grands sacrifices pour tenter de sortir ton peuple de l’ornière du sous-développement, mettre en place un système démocratique et changer les conditions de vie de cette nation. Malheureusement, d’autres n’ont pas voulu que tu remportes ce pari. Certains, motivés par une jalousie effrénée, d’autres par une ambition personnelle ou un appât du gain démesuré, et d’autres encore, prisonniers d’un système corrompu, ont mis des obstacles sur ton chemin.
Mon fils, je t’invite à remercier Dieu, d’abord pour t’avoir préservé des épreuves et des dangers de cette lutte dominée par l’ambition démesurée, la haine du prochain et le manque de véritable amour pour notre pays.
Tu n’as pas perdu ta journée. Bien au contraire, tu as mérité de la patrie qui t’a vu naître et que ton cœur adore. Tu peux rentrer auprès de ta famille avec le cœur léger, satisfait d’avoir fait tout ce qui est humainement possible pour soulager la misère de ce peuple.
Rappelle-toi, mon fils, que l’histoire juge souvent les grands hommes avec un décalage. Ce qui peut sembler incompris aujourd’hui sera reconnu demain. Porte haut les valeurs qui t’ont guidé : l’honnêteté, l’amour de la justice et le désir de servir ton peuple. Même si tous ne le voient pas, certains, dans leur cœur, reconnaissent et admirent tes efforts.
Repose-toi, ressource-toi, et sache que tu as laissé une marque indélébile dans le cœur de ceux qui croient encore en un avenir meilleur pour notre pays.
Avec tout mon amour et ma fierté,
Ton vieux père. »
©️: Jean Conille