Haïti : Quatre ans après la chute de Martissant, le pays vacille sous le poids des gangs
Le constat est glaçant. Quatre ans après que les gangs armés ont pris le contrôle du quartier stratégique de Martissant, le Centre d’analyse et de recherche en droits humains (CARDH) dresse un tableau noir de la situation sécuritaire en Haïti. Le pays, marqué par la violence, le chaos institutionnel et l’abandon progressif de l’État, semble au bord de l’effondrement.
Le 1er juin 2021, les groupes armés de Gran Ravin et de Village-de-Dieu lançaient une attaque éclair contre le gang rival Ti Bwa, s’emparant de Martissant en quelques jours. Depuis, la zone est devenue un no man’s land, désertée par la police, officiellement reconnue en mars 2023 comme “territoire perdu” par l’État haïtien.
Mais Martissant n’est plus une exception. Selon le CARDH, vingt-huit territoires sont aujourd’hui contrôlés par des gangs, incluant des quartiers clés de la capitale comme Carrefour-Feuilles, Bas-Delmas ou encore le Champ de Mars. “C’est le résultat de plusieurs années de laxisme, d’aveuglement et parfois même de complicité de la part des autorités”, tranche le rapport.
Les chiffres compilés par le CARDH donnent la mesure de la tragédie. Depuis 2021, près de 4 716 personnes ont été tuées, dont 136 policiers. Les kidnappings se multiplient, avec plus de 3 363 cas recensés, un chiffre probablement en deçà de la réalité. Et plus d’un million de personnes ont été déplacées, entassées dans des camps de fortune, notamment à Kenscoff et Mirebalais.
La violence ne s’est pas arrêtée aux quartiers résidentiels, elle a méthodiquement vidé les institutions publiques de leur substance. Le CARDH recense 102 institutions publiques détruites ou déplacées. Le Palais national et la Primature ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes. Le Palais de justice a été contraint de déménager à deux reprises. Des établissements scolaires emblématiques comme le Lycée Alexandre Pétion ou la Faculté de médecine ont également été abandonnés. Le secteur privé n’est pas épargné. Au total, 622 structures (écoles, médias, cabinets d’avocats) ont cessé leurs activités.
Le rapport du CARDH accuse ouvertement les dirigeants haïtiens d’avoir laissé prospérer les gangs, voire d’en avoir été les alliés. En 2020, le Premier ministre Joseph Jouthe aurait directement contacté le chef de gang Izo par téléphone, plutôt que de mobiliser les forces de l’ordre. En 2021, une opération policière à Village-de-Dieu a viré au drame. Cinq policiers ont été tués, leurs corps atrocement mutilés, sans qu’aucune sanction ne soit prise contre les responsables.
Face à l’impuissance de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS), dont seulement 1 000 policiers sur les 2 500 promis ont été effectivement déployés, les États-Unis envisagent désormais de recourir aux services d’Academi, ex-Blackwater. Une option controversée, cette société ayant déjà été impliquée dans des massacres de civils, notamment à Bagdad en 2007.
Le CARDH exige un encadrement strict : un mandat clair, le respect des droits humains, des mécanismes de contrôle et de reddition de comptes. Par ailleurs, le rapport recommande la levée de l’embargo sur les armes, toujours en vigueur depuis 1991, la création d’une unité anti-gangs haïtienne dotée de drones et appuyée par une capacité aérienne, ainsi que la mise en place de tribunaux d’exception pour juger les chefs de gangs.
Une population abandonnée
Malgré la désignation des gangs comme “organisations terroristes” par les États-Unis, la communauté internationale tarde à réagir concrètement.
La question reste entière : une force étrangère, des mercenaires privés ou une refondation des institutions haïtiennes suffiront-elles à briser l’hégémonie des gangs ? En l’absence d’une réponse claire, Haïti s’enfonce inexorablement dans la violence et le désespoir.
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