La Fête des Morts et des Guédés en Haïti : entre Profanation et Mépris du Sacré

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La Fête des Morts et des Guédés en Haïti : entre Profanation et Mépris du Sacré

La fête des Guédés en Haïti, célébrée chaque année au début du mois de novembre, est l’une des plus anciennes et profondes traditions du pays. Cette célébration est dédiée aux esprits des morts, communément appelés les Guédés, qui sont des divinités du Vodou représentant le passage entre le monde des vivants et celui des défunts. Cependant, ces dernières années, cet hommage sacré est terni par l’insécurité qui gangrène le pays. Les cimetières, lieu central des rituels des Guédés, sont désormais en proie à la violence, au point que même les morts ne trouvent plus la paix en Haïti.

Profanation des cimetières : un sacré bafoué

Les cimetières haïtiens, sanctuaires des âmes défuntes, ont progressivement perdu leur statut de lieux de recueillement et de vénération. Aujourd’hui, ils sont devenus des refuges pour des déplacés internes fuyant les violences des gangs ou des cachettes pour ces mêmes criminels. Le cimetière de la Croix-des-Bouquets, par exemple, est le théâtre d’une double tragédie : non seulement les morts ne reposent plus en paix, mais les vivants eux-mêmes cohabitent avec les esprits dans une atmosphère de peur et de désespoir.

Les libations, les danses, et les prières qui caractérisent traditionnellement la fête des Guédés à Port-au-Prince sont réalisées dans des paysages lugubres et désolés. Ce qui devait être une célébration de la mémoire et de la vie éternelle devient un rituel empreint de tristesse et de désespoir, illustrant ainsi la faillite de l’État haïtien.

La Fête des Guédés : un patrimoine en déclin

Cette tradition, autrefois vivante et animée par des chants, des offrandes de piments, et des déhanchements en l’honneur des morts, est désormais plongée dans une crise culturelle. La cohabitation forcée entre les vivants, les déplacés et les morts dans les cimetières traduit le chaos qui règne en Haïti. Ce déclin de la fête des Guédés illustre une perte de repères et un effacement progressif des traditions haïtiennes.

Les propos grivois et les danses sensuelles, qui accompagnent traditionnellement les rituels des Guédés, se heurtent à la réalité tragique d’une insécurité galopante. Cette dérive conduit à une véritable profanation de la mémoire des disparus. Les morts, dans cette société en crise, souffrent doublement : ils sont victimes de la violence des vivants, et leur souvenir est piétiné par l’absence de respect dû à leur mémoire.

Les morts et les vivants dans la tourmente : une double souffrance

Le paradoxe est flagrant : les vivants peinent à survivre, et les morts, eux, ne trouvent pas le repos. La cohabitation des morts et des vivants dans les cimetières symbolise l’avanie que subissent les deux mondes en Haïti. Il est tragique de constater que, dans un pays où la souffrance est omniprésente, même la mort ne libère pas de l’insécurité. Les âmes des disparus sont plongées dans la tourmente, captives des conflits humains.

L’État haïtien et la culture : une responsabilité partagée

Face à cette crise, la responsabilité incombe largement à l’État haïtien, et plus particulièrement au ministère de la Culture et des Cultes, qui se doit de protéger non seulement les traditions culturelles, mais aussi les espaces dédiés aux morts. L’insécurité qui règne dans les cimetières est un reflet de la négligence étatique à l’égard de la culture et du patrimoine spirituel haïtien.

Pour contrer ce phénomène, il est urgent que l’État intervienne pour protéger les cimetières et restaurer la sacralité de ces espaces. Les vivants et les morts doivent retrouver leur place respective, et la mémoire des défunts doit être honorée, non profanée. La préservation de la richesse culturelle haïtienne, incarnée par le Vodou et ses rituels, est une question de dignité nationale.

Conclusion : à chacun ce qui lui est dû

La fête des Guédés est aujourd’hui le miroir d’une société en pleine dérive. Ni les vivants, ni les morts ne trouvent la paix en Haïti. La souffrance est omniprésente, et les actes des vivants plongent les morts dans une agonie spirituelle. Il est impératif que les autorités haïtiennes prennent des mesures concrètes pour restaurer l’ordre et rendre à chaque monde, celui des vivants et celui des morts, le respect et la dignité qu’il mérite.

Professeur Antoine NERILUS, politologue, spécialiste en gouvernance de l’État, journaliste.

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