L’empressement de fuir sa terre natale: Le choix d’un jeune entrepreneur haïtien qui fait ses adieux à Haït

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L’empressement de fuir sa terre natale: Le choix d’un jeune entrepreneur haïtien qui fait ses adieux à Haïti

En 2023, Haïti présente l’image d’un pays qui se dirige vers son extinction. Une extinction “imminente”. Jamais, les habitants de l’ancienne “perle des Antilles” ne se sont confrontés à un niveau de désespoir aussi inquiétant. Si hier on se préoccupait pour le pain quotidien, l’emploi, l’accès à l’éducation et à la formation pour les jeunes etc., aujourd’hui la réalité de la vie dans le pays porte l’haïtien à voir ou concevoir la réussite de son avenir ailleurs. De nos jours, trouver un jeune en Haïti disposé à rester dans le pays pour tenter de réaliser ses projets et ses rêves n’est pas évident.

Nombreux sont de rudes travailleurs, de jeunes intellectuels, des investisseurs en herbes, des professeurs, des rêveurs qui envisageaient de rester dans leur pays pour contribuer à son développement, en réalisant des projets et entreprenant des initiative susceptibles d’influencer positivement l’avenir de la communauté haïtienne. Il y en a qui ont essayé à maintes reprises, mais qui se sont butés à chaque fois sur des obstacles qui ont fait échouer leurs projets. Ils ne se sont pourtant pas laissés décourager, en remobilisant moyens, énergies et détermination pour repartir.

Malheureusement, même cette catégorie d’haïtiens ayant fait preuve d’une capacité de résilience extraordinaire, ont fini par faire le choix d’abandonner leur pays, comme s’ils avaient une dernière carte à jouer, et qu’ils n’entendaient plus prendre le risque avec Haïti.

James Pierre , 33 ans, est un jeune professionnel et entrepreneur très dynamique qui avait nourri la conviction qu’avec le travail et la discipline il arriverait à construire un bel avenir dans son pays natal, comme c’est le cas de certains entrepreneurs qui ont pu réaliser leur rêve en Haïti à un certain niveau.

Le jeune rêveur a laissé sa communauté natale dans le bas-artibonite et est venu s’installer à Port-au-Prince pour la poursuite de ses études secondaires en 2008. Deux ans plus tard, il les a bouclées et envisageait d’intégrer l’une des entités de l’Université d’Etat d’Haïti (UEH). Après plusieurs tentatives, il a réussi à intégrer la Faculté de Linguistique appliquée. Mais vu les difficultés auxquelles il faisait face sur le plan financier, car son grand frère, avec qui, lui et deux autres membres de la famille cohabitaient, n’avait pas une situation socio-économique intéressant pouvant répondre à leurs besoins. Or ce dernier était le seul pourvoyeur de la maison.

En 2010, après le terrible séisme qui a frappé le pays et mis à genoux la communauté, le jeune-homme s’est vu accepter aux côtés d’un professionnel dans le domaine de la réparation de photocopieuses, d’imprimantes et d’autres matériels ayant rapport avec le même secteur d’activités. Peu après, grâce à son intelligence et ses facultés d’adaptation, il s’est vite fait distinguer parmi les autres apprentis, et a commencé à empocher de l’argent.

Avec l’expérience que James s’est acquise dans le domaine en question et les avantages qu’il commençait à en tirer sur le plan financier, le jeune professionnel a loué un espace où il a monté sa propre entreprise de réparation, d’entretien et de vente de machines photocopieuses, imprimantes et tout ce qui va avec. Et il est entré dans une nouvelle ère dans sa vie de jeune professionnel, et s’est offert sa première voiture.

Devenu l’un des techniciens de référence dans la capitale haïtienne en matière de réparation d’appareils de polycopie, James a pu décrocher des contrats de service avec des institutions tant privées que publiques, basées dans la zone métropolitaine et dans des régions provinciales.

Quoique très brillant, en tant qu’étudiant en linguistique, l’artibonitien avait à un certain moment mis ses études en mode pause pour pouvoir disposer plus de temps à exercer sa profession. Ce qui, selon lui, devait lui permettre de profiter au mieux des opportunités de progresser économiquement. “J’entrevois déjà la taille de l’entreprise que je possèderai et les projets que j’aurai déjà réalisés dans cinq ans”. Telle est la déclaration que le jeune entrepreneur dit avoir faite en 2012, alors qu’il venait de mettre sur pied son entreprise.

James Pierre confie avoir tout essayé en vue de provoquer la chance de prospérer sur les plans économique et financier. Mais en 2019, suite à un mouvement de blocage du pays dans son ensemble, où l’on pouvait observer la paralysie totale de toutes les activités économiques et commerciales dans le pays, il commençait à s’inquiéter au sujet de la concrétisation de ses rêves en Haïti.

En effet, La répétition des mouvements de verrouillage du pays (pays lock), la pénurie d’essence qui est devenue un phénomène récurrent, l’insécurité et le banditisme qui s’étend partout avec des centaines de réseaux de gangs qui terrorisent la république, assiègent des communes, paralysent totalement la communication routière entre les différentes régions géographiques du pays, sèment le deuil, kidnappent les membres de la communauté, décapitalisant ainsi les familles, l’assassinat en série voire systématique des agents de la Police Nationale d’Haïti, l’impuissance des autorités étatiques face aux actes des bandits armés qui se montrent de plus en plus forts et imposants, constituent, en quelques sortes, le décor de la réalité actuelle du pays qui démotive James, qui a déjà, en fait, résolu de fuir sa terre natale vers d’autres horizons.

“Quelque soit le prix, je suis prêt à le payer pourvu que je puisse avoir l’opportunité de quitter Haïti. Je ne peux plus rien espérer de ce pays. J’ai déjà tout tenté, et à maintes reprises. J’ai même contracté des prêts dans l’objectif de renforcer mon business en vue d’un meilleur rendement. Mais à chaque fois que je dois payer les intérêts, je me retrouve dans une situation très compliquée.

Comment le puis-je si l’entreprise n’est pas rentable? Comment le business peut-elle générer des profits si le pays doit tout le temps arrêter de fonctionner en raison des troubles politiques? Et quand ce n’est pas le cas, c’est le calvaire pour trouver le carburant, nécessaire pour alimenter les génératrices qui font fonctionner l’entreprise, puisqu’on ne peut guère compter sur la source d’énergies qui proviennent de la compagnie de production et de distribution d’électricité d’Etat Haïti (EDH)”, explique le professionnel et businessman.

James a déjà entrepris toutes les démarches nécessaires dans le cadre de son projet de laisser Haïti. Il a, en effet, liquidé sa voiture et vendu son entreprise pour pouvoir disposer du montant auquel s’élève le coup du dit projet. Il va prendre la direction du continent asiatique où un ami, qu’il l’a aidé avec le processus, réside depuis bientôt quatre ans. “Je n’ai vraiment pas une idée de comment ça veut évoluer là-bas. Mais ce dont je suis sûre, c’est que je n’aurai pas d’inquiétude pour ma sécurité comme c’est le cas ici. Et je suis même disposé à repartir à zéro là où je vais, s’il le faut. Au moins j’ai la certitude qu’il ne s’agit pas d’un pays qui va observer des pauses à des intervalles très fréquentes au niveau de son fonctionnement sur le plans économique et commercial” a lâché le jeune entrepreneur.

James entend se donner une chance de repenser son avenir loin de l’Ile Quisqueya, la terre de nos ancêtres. Ce pays de délice, de par les richesses de son environnement, de ses cultures diversifiées, de son beau paysage, de son climat paradisiaque. Mais qui s’est transformé, de nos jours, en un lieu d’inquiétude, de tourment. Un champ de guerre. Un enfer.

Fritzner Michel

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