« Révolution Judicaire en Haïti : L’initiative visionnaire du Magistrat Ikenson EDUME pour des Pôles Spécialisés validée après un accord historique du 19 septembre 2024 »
Le 19 septembre 2024 restera gravé dans l’histoire de la justice haïtienne avec la signature d’un accord majeur entre le Haut-Commissariat des Nations Unies en Haïti, représenté par Arnaud Royer, le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique, dirigé par Carlos Hercule, et le Conseil Supérieur du Pouvoir Judiciaire (CSPJ), sous la présidence de Jean Joseph Lebrun. Cet accord prévoit la création de deux pôles judiciaires spécialisés à Port-au-Prince, une avancée significative qui concrétise des années de plaidoyer initié par le magistrat Ikenson Edumé, ancien président du Réseau National des Magistrats Haïtiens (RENAMAH), et fervent défenseur de la spécialisation du système judiciaire haïtien.
Ce projet trouve ses racines dans une décennie de sensibilisation orchestrée par le magistrat Edumé, accompagné de ses collègues tels que Farah Cadat, Lucien Georges et Jean Peres Paul. À travers des articles publiés dans des journaux nationaux tels que Le Nouvelliste, Le National et Rezo Nòdwes, ils ont alerté l’opinion publique et les décideurs sur l’urgence de créer des pôles spécialisés, notamment un parquet national financier, afin de lutter plus efficacement contre des crimes complexes comme la corruption, la cybercriminalité et les crimes économiques.
Lors de la première conférence internationale sur les pôles judiciaires spécialisés, tenue en août 2022 au Caribe Convention Center sous l’impulsion du magistrat Edumé, les fondements de cette réforme ont été débattus avec des magistrats de tout le pays. Soutenue par le Haut-Commissariat des Nations Unies, cette conférence a marqué un tournant dans l’histoire judiciaire haïtienne en abordant des questions urgentes comme les crimes sexuels et les délits financiers, sujets au cœur des préoccupations nationales et internationales.
Magistrat Edumé, bien qu’il eût souhaité voir cette réforme instaurée par décret présidentiel, se réjouit de l’accord du 19 septembre 2024. Ce succès représente l’aboutissement de dix années de lutte pour moderniser le système judiciaire haïtien et répondre aux défis criminels modernes. En tant que président-fondateur du RENAMAH, il a été un acteur central dans la persuasion des autorités judiciaires et politiques sur la nécessité de créer une justice plus spécialisée et efficiente.
En parallèle de ses actions sur le terrain, le magistrat Edumé a enrichi la réflexion académique en Haïti, notamment à travers ses cours de droit des affaires à l’Université d’État d’Haïti (UEH). Son ouvrage Manuel et Pratique du Droit des Affaires en Haïti, publié en 2022, est désormais une référence pour les professionnels du droit, soulignant l’importance d’une spécialisation accrue au sein des corps judiciaires haïtiens.
Les efforts d’Edumé n’ont toutefois pas été sans obstacles. Ses propositions de réformes ont heurté des intérêts bien ancrés au sein du système judiciaire, suscitant des résistances de la part de certains groupes influents. Ces oppositions, parfois vives, ont contribué à son isolement dans une institution peu encline au changement. Malgré ces obstacles, Edumé a persévéré, conscient que la spécialisation judiciaire est cruciale pour répondre aux nouveaux défis posés par la criminalité contemporaine.
Outre sa lutte pour la spécialisation judiciaire, le magistrat Edumé a également été un pionnier dans l’introduction des procès par visioconférence en Haïti. En pleine pandémie de Covid-19, en 2020, il a initié un projet pilote pour permettre la tenue de procès à distance, notamment dans les juridictions de Port-au-Prince et de Croix-des-Bouquets. Ce projet, soutenu par des partenaires internationaux tels que USAID, le CSPJ, et les Nations Unies, a permis de réduire les retards dans les procédures judiciaires malgré les contraintes sanitaires.
Nous tenons à exprimer notre profonde gratitude à M. Arnaud Royer pour sa contribution remarquable dans la mobilisation des fonds nécessaires à la réalisation de la première conférence internationale sur la création des pôles judiciaires spécialisés en Haïti. Grâce à ses efforts, des magistrats étrangers venant d’Amérique latine, d’Afrique et d’Amérique ont pu se rendre en Haïti pour partager leurs expertises. Pour la première fois, une structure des Nations Unies s’est engagée dans un projet répondant véritablement aux besoins locaux, en tenant compte des demandes des acteurs haïtiens, et ce, sans ingérence extérieure.
Nous profitons de cette occasion egalement pour rendre hommage à la magistrate Farah Cadat, ancienne substitut commissaire du gouvernement près de la Cour d’Appel de Port-au-Prince, et actuellement fonctionnaire des Nations Unies. Membre fondatrice du RENAMAH, la magistrateCadat a joué un rôle déterminant dans l’organisation de la conférence internationale de 2022. Sa rigueur et son dévouement ont été essentiels dans les nombreuses rencontres de planification avec les autorités haïtiennes et onusiennes, contribuant de manière décisive au succès de cette initiative.
L’accord signé le 19 septembre 2024 incarne ainsi la reconnaissance et la réalisation des idées portées depuis longtemps par le magistrat Ikenson Edumé. Ce projet de pôles judiciaires spécialisés marque une étape clé dans la réforme du système judiciaire haïtien, posant les bases d’une justice plus moderne, adaptée aux enjeux de notre temps.
Références bibliographiques :
•EDUMÉ, Ikenson. Manuel et Pratique du Droit des Affaires en Haïti. Éditions Mutations Contemporaines, France, 2022.
•Royer, Arnaud. “Réforme Judiciaire en Haïti : Perspectives et Enjeux”. Le Nouvelliste, 2022.
•“Conférence sur la Spécialisation de la Magistrature en Haïti : Défis et Opportunités”. Rezo Nòdwes, août 2022
Auteur : Pierre Jean Castin, Journaliste
Port-au-Prince, le 4 Octobre 2024